L’heure violette, soir sur la plaine

L’heure violette, une expression que j’ai souvent entendue dans la bouche d’une personne chère pour évoquer ces moments où le jour bascule dans la nuit. En résonance avec le tableau que je vous présente aujourd’hui, ce poème d’Albert Samain:
(Trouvé à cette adresse)

Soir sur la plaine

Vers l’occident, là-bas, le ciel est tout en or ;
Le long des prés déserts où le sentier dévale
La pénétrante odeur des foins coupés s’exhale,
Et c’est l’heure émouvante où la terre s’endort.

Las d’avoir, tout un jour, penché mon front qui brûle,
Comme on pose un fardeau, j’ai quitté la maison.
J’ai soif de grande ligne et de vaste horizon,
Et devant moi s’étend la plaine au crépuscule.

Une solennité douce flotte dans l’air,
Ma poitrine se gonfle au vent rude qui passe ;
Et mon cœur, on dirait, grandit avec l’espace,
Car la plaine infinie est pareille à la mer.

La faux des moissonneurs a passé sur les terres,
Et le repos succède aux travaux des longs jours ;
Parfois une charrue, oubliée aux labours,
Sort, comme un bras levé, des sillons solitaires.

L’angélus au loin sonne, et, simple en son devoir,
La glèbe écoute au ciel tinter la cloche pure,
Et comme une humble vieille en sa robe de bure
Semble dire tout bas sa prière du soir.

La nuit à l’orient verse sa cendre fine ;
Seule au couchant s’attarde une barre de feu ;
Et dans l’obscurité qui s’accroît peu à peu
La blancheur de la route à peine se devine.

Puis tout sombre et s’enfonce en la grande unité.
Le ciel enténébré rejoint la plaine immense…
Écoute ! … un grand soupir traverse le silence…
Et voici que le cœur du jour s’est arrêté !

Et mon âme a frémi de se sentir trop seule,
Et tout à coup s’allège à retrouver là-bas,
Énorme et toute rose en son halo lilas,
La lune qui se lève au-dessus d’une meule

Bien sûr, nous ne verrons plus la faux des moissonneurs ni la charrue, ces impressions appartiennent au passé. Mais ce qui reste et traverse les époques, ce que ni les moteurs ni les smartphones ne peuvent faire disparaître, ce sont les lumières et les teintes de ces instants, c’est le calme du soir où on a l’impression que le cœur du jour s’arrête.

L'heure violette, soir sur la plaine, tableau sur papier, peinture acrylique.
Peinture sur papier, 19 x 19 cm

Dans le haïku « clarines et clochers » j’évoquais un moment semblable, peut-être vous le rappelez-vous?

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Je vous remercie de votre visite; et j’aurai plaisir à lire vos petits mots.

8 réflexions sur “L’heure violette, soir sur la plaine”

  1. Quel délicieux poème… émouvant…
    Tu me fais découvrir le poème et son auteur, et des souvenirs ressurgissent d’un passé… lointain ….. et oui …..faux, moissoneurs et charrues… j’ai vu…. ….
    Grand merci Miryl,
    Et bravo pour ton interprétation au couleurs de ces moments incomparables

  2. Bonjour,

    oui merci magnifique …souvenirs de ma campagne, et de mon enfance
    courir dans les champs, admirer toutes les couleurs
    toutes les saisons, absorber, dévorer…
    je suis encore toute imprégnée de ces images…qui donne envie d’aimer la vie.
    Bel été, douceur à vous et pour nous tous

  3. C’est un magnifique hymne à la campagne où j’ai la chance de vivre, donc forcément ce poème m’interpelle, même dans le présent . Merci beaucoup .

  4. Quelle magie lorsque la nuit s’annonce ! Chaque soir un spectacle et des sensations différentes… Hier soir j’ai justement écrit ce haïku :

    vent chaud du soir
    le ventre rose
    des hirondelles

    Merci Miryl !!!

  5. Que ces choses-là en de jolis mots sont dites !!! C’est très beau et le poème est une vraie découverte pleine de cette nostalgie qui fait du bien…. Et le tableau est superbe ; une fois de plus, j’aime, j’aime énormément, j’adore !!!

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